De l’agriculture

L’agriculture est indissociable de l’évolution de la population, ce qui en fait un acteur majeur dans la politique mais aussi en économie et en finance. Aujourd’hui mondialisée, l’agriculture a suivi plusieurs évolution à la fois techniques et sociales : la croissance économique a fait avancer les technologies et a remis en cause la structure sociale des agriculteurs. En effet, au fil du temps, il semblerait que de moins en moins d’agriculteurs pratiquent leur métier étant donné cette évolution technique. Mais la technique étant liée à la croissance économique, les structures agraires sont inégalement réparties dans l’espace mondial, de nos jours, du moins.

Des «révolutions» agricoles

On parle de «révolutions» agricoles, les évènements, dans le cadre de l’agriculture, qui ont permit de plus hauts rendements afin de satisfaire une demande en nourriture parmi une population dans une région ou un pays. L’agriculture est donc indissociable de la population et de sa croissance mais aussi des lieux géographiques et de la quantité d’eau. C’est à partir du néolithique que les premières formes d’agriculture sont apparues car la population a augmenté pendant cette période. Cette première révolution s’est faite bien sûr progressivement et n’est pas apparue au même moment partout et on considère que cette période s’est étalée entre -10 000 et -3000. Durant cette période, les populations se sont par conséquent sédentarisées. La population mondiale a atteint 80 millions d’habitants.

Deuxième révolution agricole, la population étant essentiellement faite de paysans, la physiocratie a fait exploser les rendements en France au XVIIIème siècle. Portés sur l’agriculture, les physiocrates, ou les tenant de la physiocratie, menés par François Quesnay, ont surtout développé une pensée économique axée sur la terre. Typiquement, c’est à eux que l’on doit le produit net, c’est-à-dire l’excédent de richesse créée par rapport à la richesse dépensée par le biais du travail, ce qui a pour conséquence l’augmentation de la productivité agricole. Par conséquent la pensée économique issue des physiocrates est que la société est divisée en trois «classes» : les paysans, les marchands et «industriels», et les propriétaires, les paysans étant la seule classe productive et les marchands ayant une activité stérile. Contrairement aux mercantilistes, la richesse ne provient pas de l’État mais des individus qui, eux, travaillent (la terre). Celle-ci est donc source de richesse car, par exemple, une graine en produit plusieurs en la semant. Partisans du libéralisme économique, ou du laissez-faire, les physiocrates estiment que la création de richesses via la terre est de «déréguler» le commerce de marchandises, dont le grain. Les physiocrates auront une influence sur les pensées des économistes classiques, bien qu’Adam Smith réfutera les thèses des physiocrates.

La réelle révolution moderne de l’agriculture a commencé en Angleterre au XIXème siècle avec la mécanisation et l’intensification des cultures, et du passage de la polyculture à la monoculture. De la jachère on passe à des prairies artificielles semées de trèfles pour renflouer la terre d’azote (on parle de la «révolution de l’azote»). Les belts des grandes plaines des États-Unis ont vu apparaître un appauvrissement massif des sols, ce que l’on a appelé les dust bowls. C’est le cas dans les années 1930 au Kansas, États-Unis, où une tempête arracha toutes les terres cultivables et qui fut suivie de fortes pluies qui ont provoqué la stérilisation de 400 000 hectares, transformant la terre en cuvettes de poussières. Ce qu’il faut savoir, c’est que les fermiers pratiquaient le dry farming, pratique de la jachère tout le travaillant le sol dans des régions (semi)-désertiques, ce qui ne lui permet pas de se stabiliser, la terre étant très lente à se régénérer (ou pas selon les contextes). Avec la croissance économique et les évolutions techniques, on a de plus en plus recours aux intrants pour l’augmentation des rendements : produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques.

La révolution verte n’a pas été pour tout le monde, en particulier pour les paysans à revenu moyen à faible car il fallait débloquer des sommes d’argent énormes. On commence à parler d’investissements et d’apparition des grandes firmes agroalimentaires exploitant les terres des pays du Sud. En effet, cette révolution verte donne naissance aux plants hybrides à très haut rendements, ou variétés à très haut rendement (VHR). Norman Borlang a reçu le prix Nobel de la paix pour ses blés miracles étant sensés atténuer la faim dans le monde.

Enfin, la révolution doublement verte a pour but d’augmenter les rendements tout en préservant l’environnement. Lancée en 1994, cette révolution s’inscrit dans le programme du développement durable où il faut concilier climat géographique et développement de zones à faible potentialité agricole.

Du foncier et des réformes agraires

Le foncier concerne la propriété de la terre. Souvent organisée pour la subsistance ou pour la collectivité, la question des régimes de propriété s’est développée au cours du temps, modifiant rendements mais aussi paysages.

Au XXème siècle, des bouleversements on changé ces régimes de propriété. Ce sont ce qu’on appelle les réformes agraires. La réforme agraire est une opération qui vise à modifier les rapports fonciers, donc les rapports économico-sociaux dans un espace agraire, généralement à l’intérieur d’un État, une région ou une communauté. L’objectif est l’amélioration quantitative et qualitative de la production agricole. D’une manière large, elle concerne les institutions de développement et la politique agricole de l’espace appliquant la réforme agraire dans le cas de remembrement parcellaire, colonisation des terres et de progrès agricoles, même dans le cas où la structure agraire n’est pas sensiblement modifiée. La réforme agraire est la première étape d’un «déroulement» d’évènements, comme le développement agraire et l’aménagement, la réorganisation institutionnelle étant une condition préalable.

Le XXème siècle est une siècle de réformes agraires notamment en Europe et en Amérique latine. Dans le premier cas, ce fut la collectivisation dans le monde socialiste, à savoir les kolkhozes, qui sont des exploitations dont les membres possédaient la plein propriété ainsi que celle des récoltes des dvors, les lopins de terre. Vers la fin du régime soviétique, les sovkhozes, fermes d’État, les ont remplacés. Lorsque la Russie est passée à l’économie de marché, les paysans on pu soit louer des terres qui sont propriété de l’État, pour une durée assez longue, soit les acheter.

Le monde latino-américain est dominé par les latifundia, de grandes exploitations agricoles d’exploitation extensive et dont le rendement est peu efficace car la terre est travaillée par des personnes pauvres ou par des métayers. Les latifundia latino-américains sont dus à la colonisation ibérique et hissent des problèmes socio-économiques : les propriétaires exercent une domination sur la terre, en refusant l’attribution de véritables exploitations ; sur le travail, le domaine étant la seule source d’emploi ; et sur la circulation de l’argent pour s’acheter une clientèle… Seuls le Mexique et Cuba ont pu supprimer ces latifundios par le biais de réformes agraires.

De l’agriculture en France et dans l’Union européenne (UE)

Les manifestions des agriculteurs français a été très médiatisée, notamment en Suisse où certains agriculteurs helvètes sont aussi allés manifester à Berne mais dont l’ampleur a été moindre, en tout cas dans les médias. Arrêtons-nous sur le cas français, intégré à l’Union européenne (UE) et à la mondialisation, et «dé-zoomons» pour avoir une vue globale au niveau de ce territoire et de ses partenaires.

L’agriculture a un poids économique considérable dans les échanges de marchandises et l’agriculture commerciale prend de l’ampleur face à l’agriculture vivrière. Les systèmes de productions agricoles (taille des exploitations, productivité, technique, etc.) sont dorénavant à but commercial, même en France qui importe des ananas de Côte d’Ivoire et qui revend du blé à ce même pays. Le soja et le blé sont exportés par les USA et le Brésil vers la Chine et l’Europe. Bien sûr, qui dit agriculture commerciale, dit firmes et filières agroalimentaires, ou agrobusiness pour les américains. Ces filières englobent toute la chaîne en amont (industries productrices de produits phytosanitaires, par exemple) et en aval (industries agroalimentaires transformant les produits bruts issus de l’agriculture en aliments). Ces entreprises, pouvant être des multinationales, passent des contrats avec les agriculteurs. En France, on est passé d’un modèle vivrier à un modèle commercial dans les années 1960 par le modèle agricole breton, la Bretagne étant devenue la première région française pour l’élevage hors-sol. Cette politique agricole a été encouragée par la politique agricole commune (PAC) depuis 1962, la PAC étant définie par le traité de Rome (1957) afin d’améliorer les économies agricoles des États membres, dont la France, dans la Communauté économique européenne (CEE, et plus tard dans l’UE). Elle fixe les prix et les aides aux agriculteurs, comme l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Elle a une vision de «préférence communautaire», c’est-à-dire de protectionnisme. Malgré les critiques, elle place l’UE au premier rang des puissances agricoles au monde. La nouvelle PAC, entrée en vigueur en 2023, est sensée encourager la transition vers une agriculture durable.

Discussion et conclusion

La croissance démographique et le peuplement (structure de la population dans l’espace) sont demandeurs en calories et donc de quantité à cultiver. Si l’augmentation de la population s’est faite progressivement, hormis dès le XXème siècle, les révolutions agricoles se sont faites par étapes, les rendements n’étant plus suffisants. Sachant que les foyers de population principaux se situent en Asie (Asie orientale et sous-continent indien comptabilisant à eux deux 45.2 % de la population mondiale en 2021, selon la Banque mondiale), ceux-ci vivent de l’agriculture vivrière intensive et de la riziculture essentiellement. Ce sont aussi des importateurs nets des pays du Nord, en particulier de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. L’Inde et la Chine achètent aussi des terres à l’étranger (où l’on parle de landgrabbing, ou d’accaparement des terres). Les grands exportateurs sont les pays du Nord (USA, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande) qui possèdent les bourses ou les sièges des firmes agro-alimentaires. Les USA et l’Europe s’échangent des cultures qui sont essentiellement issues de l’agriculture productiviste. L’Europe importe aussi du Brésil le même type d’agriculture, ce qui en fait, on pourrait le dire, un importateur.

Sources :

1. Baud P., Bourgeat S., Bras C. Dictionnaire de géographie. 6ème édition. Paris 2022

2. George P., Verger F. Dictionnaire de la géographie. 4ème édition. Paris 2013

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